Quatre pièces inoubliables de Trisha Brown
Comme chant du cygne, la compagnie de Trisha Brown a choisi de faire ses adieux au public à travers un dernier cri du cœur magnifique, un ultime sursaut de corps collectif : la sélection de quatre pièces emblématiques de la carrière de la chorégraphe américaine qui se retire de la scène face à la maladie. Une chance formidable de plonger dans les archives vivantes d’une grande dame de la danse contemporaine.
Solos Olos (1976)
Son of Gone Fishin’ (1981)
Rogues (2011)
PRESENT TENSE (2003)
Chorégraphies de Trisha Brown
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Au Théâtre de Chaillot, Paris
Du 4 au 13 novembre 2015
Figure de la danse postmoderne, retraitée depuis 2012, la chorégraphe Trisha Brown présente, dans le cadre de la 4e édition du Festival d’Automne à Paris, quatre pièces qui couvrent tout le spectre de son inventivité.
La soirée s’ouvre par Solo Olos (1976) – une chorégraphie qui a quarante ans ! imaginée pour un quintette d’interprètes, dans lequel Trisha Brown explore le mouvement pur, avec notamment un travail sur le mouvement inversé, et met en valeur la danse dans ce qu’elle a de plus naturel.

Solo Olos © Stephanie Berger
Son of Gone Fishin’ (1981), sur une musique de Robert Ashley, réunit six danseurs se mouvant comme des poissons dans l’eau, aussi dépendamment qu’indépendamment de la musique, dans une ambiance aqueuse où les croisements rapides et complexes des corps, les costumes miroitants, évoquent la fugue, les jeux, la liberté. La structure mathématique de la chorégraphie se pare d’une dimension hautement poétique.

Son of Gone Fishin’ © Ian Douglas
Dans Rogues (2011), un duo récent, « pas d’effet superflu, pas d’excès de chorégraphie contrôlé. Tout dans le naturel… Les danseurs célèbrent la vie sans artifice », écrivait le New York Times à sa création.

Rogues © Stuart Shugg (2012)
Le programme se termine par PRESENT TENSE (2003) sur une musique de John Cage. Cette pièce met en valeur le travail collectif, à travers deux groupes de trois danseurs, qui tentent de représenter, par des jeux d’équilibres, des entités organiques fusionnant les trois parties du corps humain : « tête », « bras » et « jambes ».

PRESENT TENSE (2003), TBDC at OZ Arts © Wrenne Evans
Ces quatre œuvres, plus rares, préférées aux « classiques », proposent une palette du large répertoire de Trisha Brown, célébrant à la fois la complexité de sa danse, et l’évidence et la simplicité du mouvement.
L’émotion qui se dégage de cette soirée est en partie due à deux aspects, au-delà du talent chorégraphique : tout d’abord, l’intégrité incroyable des interprètes, qui dansent avec un désir palpable de transmettre fidèlement le répertoire et une concentration proche du recueillement ; mais aussi, l’intemporalité des œuvres de Trisha Brown qui semblent être toujours autant d’actualité. Un dialogue entre passé et présent s’effectue sous nos yeux, une sorte de courant continu parcourt la soirée, le temps se dilatant sous nos yeux avec quarante années d’histoire chorégraphique concentrée en une heure et demie, l’exigence corporelle restant toujours intacte. La danse de Trisha Brown ne cessera jamais de nous parler.