« Jacob, Jacob », l’appel de Valérie Zenatti à la mémoire
Récit court d’une rare puissance, le roman de Valérie Zenatti raconte le déracinement et l’exil à travers l’histoire de Jacob, jeune Juif de Constantine enrôlé en juin 1944 pour libérer la France. À travers son histoire, nous est rappelé le destin de ces familles algériennes, tiraillées entre deux langues : l’arabe et le français, et deux cultures : juives et musulmanes, auxquelles l’écrivain rend hommage.
Jacob, Jacob
Roman de Valérie Zenatti
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Publié en France en août 2014 aux Éditions de l’Olivier
Prix du Livre Inter 2015
Être un Juif de 19 ans en Algérie en 1944.
Jacob est envoyé sur les côtes de Provence en 1944 pour libérer la France des Allemands, et connaît un destin tragique dans un combat en Alsace. De la guerre qu’il traverse pendant ces quelques semaines et de son sort, les siens ignorent tout. Ces gens très modestes, pauvres et frustes, attendent avec impatience le retour de celui qui est leur fierté. Ils ignorent aussi que l’accélération de l’Histoire ne va pas tarder à entraîner leur propre déracinement.

Valérie Zenatti © Edition de l’Olivier / Patrick Normand
Un livre sur la jeunesse.
Le portrait de Jacob que dresse Valérie Zenatti est d’autant plus tragique qu’il est attachant. Benjamin d’une fratrie, le jeune homme s’est montré brillant dans ses études au lycée et aurait pu connaître un avenir meilleur que les autres membres de sa famille. Son caractère compatissant et généreux, à l’égard des femmes et des enfants, contraste avec la dureté des figures patriarcales qui l’entourent. Ses rêves, notamment celui d’élever ses propres enfants s’il en a un jour, avec amour et patience, à la différence de ce qu’il a vécu avec son père, font de lui un être doux et sensible.
En chemin pour la guerre, tel dans un roman d’apprentissage, Jacob expérimente le parcours du combattant dans tous les sens du terme. À travers le combat, le jeune héros découvre les épreuves physiques, l’endurance, la faim, la camaraderie et la solidarité mais aussi la mort et la haine. Jacob fait également ses premières armes en amour, avec Louise, le temps d’une nuit près de Lyon. La passion des premiers émois décrite avec tact et délicatesse par Valérie Zenatti est bouleversante à lire.
L’essence dramatique du récit réside dans ce cheminement évolutif et cette maturation de notre jeune héros, qui tournent court.
L’écriture rédemptrice de Valérie Zenatti.
L’écriture de Valérie Zenatti est lumineuse, énergique et dense. Elle jaillit comme une source de vie qui ferait revivre ses personnages, comme un appel à la mémoire, individuelle et collective. À travers Jacob, Valérie Zenatti raconte ici l’histoire du frère de son grand-père. Au-delà de la reconstitution familiale, elle réussit le pari d’une véritable odyssée historique, retrouvant l’esprit et le parfum de l’époque.
La romancière de 45 ans, élevée en Israël, rend hommage aux Juifs d’Algérie – désavantagés face à la loi musulmane à l’époque et qui ont connu l’exil massif en France à la veille de l’indépendance de l’Algérie, et rend notamment hommage aux femmes, qui ont su malgré tout transmettre l’amour et la vie. «Je suis allée chercher ce que pouvait être ce corps à corps entre la France et l’Algérie, entre une histoire juive, algérienne et une histoire française», a dit Valérie Zenatti à l’antenne de France Inter en recevant son prix.