14 décembre 2014 Théâtre

Répétition

Un texte puissant et percutant signé Pascal Rambert, après l’immense succès rencontré en 2011 avec Clôture de l’amour. Même langue concrète, énergique, même dispositif basé sur une suite de monologues. Avec une Audrey Bonnet époustouflante de justesse.

Texte, mise en scène et chorégraphie de Pascal Rambert
Scénographie de Daniel Jeanneteau

Au Théâtre de Gennevilliers
Du 12 décembre 2014 au 17 janvier 2015

Avec Emmanuelle Béart, Audrey Bonnet, Stanislas Nordey, Denis Podalydès, Claire Zeller.

Répétition © Marc Domage

Répétition © Marc Domage

Il y a Audrey et Emmanuelle, deux comédiennes, Denis l’auteur et Stanislas le metteur en scène ; deux couples, 20 ans de théâtre, d’amour et d’amitié, une association structurée. Soudain un jour de répétition, dans un gymnase, c’est l’explosion, ou l’implosion, de ce groupe jusque-là si solidaire, du moins en apparence. Dans un regard de Denis adressé à Emmanuelle, Audrey comprend la trahison de son compagnon.

C’est elle, Audrey Bonnet, qui, corps tendu comme un arc, ouvre le feu avec un premier monologue accusateur et disloque le groupe.
« Denis tu crois que l’on ne voit rien tu crois que voir c’est quoi ? […] Tu crois que vivre c’est quoi / Tu crois que c’est s’en tirer à bon compte, tu crois que tu vas t’en tirer à bon compte ? / Tu crois que vivre c’est passer entre les gouttes et penser je m’en tire à bon compte ? / C’est vrai Denis en fait on vit en serrant les mâchoires à mort en espérant que personne ne s’en aperçoive que personne n’y voie rien / Toi tu crois que personne ne voit rien / Tu as sans doute raison / Personne ne voit, personne ne voit rien, Denis, la stratégie humaine c’est de baisser les yeux, on baisse les yeux, on vit au milieu de gens qui baissent les yeux, humiliation : on baisse les yeux, coups, blessures : on baisse les yeux, venin : on baisse les yeux, situations abjectes : on baisse les yeux, combien de fois tu auras baissé les yeux dans toutes ces réunions, toutes ces réunions ? »

Puis Emmanuelle prend la parole, elle est celle qui assume, oui, elle aime deux hommes.

Vient Denis, qui est persuadé que « la structure » ne peut pas mourir, que le lien perdurera entre eux quatre malgré tout.

Stan ensuite questionne l’avenir de nos rêves et appelle le public, la jeunesse, les générations à venir à œuvrer pour accomplir leurs rêves, à se réveiller, à se lever, à « recommencer le monde ».
« L’art c’est canaliser cette force, l’art c’est structurer cette force pour la rendre abordable et la faire partager sous forme d’expérience vivante dans la vie, ou le rêve de l’autre ».

Enfin, une gymnaste se lance sur le plateau, esquisse quelques pas et gestes de son fluide ruban blanc, envoie deux massues dans les airs, rattrape un ballon au vol, incarnation de la beauté, du rêve canalisé, du rêve qui devient art, qui se partage et fait rêver les autres.

Dans ce théâtre, il y a l’évocation des souvenirs et le bilan d’un groupe, d’une génération, la fin des rêves. C’est subtil, troublant et finalement on ne sait pas si ce quatuor va finalement périr ou survivre. Quand ils ne disent pas leur texte, écrit comme sur mesure par Rambert pour ses comédiens, les protagonistes de ce huis-clos reçoivent les paroles dites comme des coups, des balles ou des caresses, un jeu muet où les corps sont aussi éloquents que les mots.

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