L’onirique « Ménagerie de verre » par Daniel Jeanneteau
L’esthétique tout en ombres et lumières de Daniel Jeanneteau ne pouvait pas mieux souligner la psychologie malade des protagonistes de l’américain Tennessee Williams, chacun hanté par ses propres démons, en quête d’une porte de sortie ou autre source de lumière salvatrice.
La Ménagerie de verre
Texte de Tennessee Williams
Mise en scène de Daniel Jeanneteau
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Au Théâtre de la Colline, Paris
Du 31 mars au 29 avril 2016
C’est par le détour du Japon que Jeanneteau découvre le théâtre de Tennessee Williams, où il est invité à mettre en scène La Ménagerie de verre en japonais. Le metteur en scène lit pour la première fois ce texte qu’il pensait ne pas aimer, influencé par l’idée générale réduisant l’œuvre de l’écrivain américain à du simple « réalisme psychologique ». Loin de là, Jeanneteau découvre une écriture complexe et novatrice, en évolution constante dans sa forme, lui ouvrant un champ de liberté et de rêve inattendu.
Sorte d’hommage à cette « découverte japonaise », la création française nous plonge dans l’univers fantasque des Wingfield et ne cesse de reculer les frontières du réel en introduisant par touches gracieuses une esthétique de l’irréel et autres détails nippons aussi exotiques que raffinés.

Dominique Reymond (au centre) dans La Ménagerie de verre par Daniel Jeanneteau © Mammar Benranou
La Ménagerie de verre se déroule dans un petit appartement de Saint Louis et met en scène trois membres de la même famille, les Wingfield : une mère, Amanda, abandonnée par son mari ; son fils, Tom, poète et employé dans une usine de chaussures ; sa fille, Laura, fragile, solitaire et qui collectionne de petits animaux en verre. À ce triangle s’ajoute un quatrième personnage extérieur : Jim, un jeune collègue de Tom, invité le temps d’une soirée.
Puisant au plus intime de sa propre vie, cette histoire à dimension autobiographique, anecdotique et très locale qu’écrit Tennessee Williams devient sous sa plume une œuvre universelle, parlant de la perte et du deuil, de la permanence en nous de ce qui a disparu. La quête du passé, la réponse au manque, ou s’échapper de la réalité, passent inévitablement par le refuge dans le rêve.
Amanda Wingfield, hantée par sa propre jeunesse perdue, harcèle ses enfants en voulant leur bien, incapable de discerner sa vie fantasmatique de leur réalité. Elle organise un dîner avec un « galant » pour sa fille déficiente, provoquant une catastrophe ultime qui l’éloignera à jamais de ses enfants et les fera tous basculer dans le repli total, la solitude et la misère…

De gauche à droite : Solène Arbel (Laura), Olivier Werner (Tom), Pierric Plathier (Jim), Dominique Reymond (Amanda) © Élisabeth Carecchio