Kabaret Warszawski
Bien que très longue et dense, rassemblant toutes les questions qui taraudent le metteur en scène polonais, la nouvelle pièce de Krzysztof Warlikowski, présentée à Avignon en juillet dernier, a le mérite de nous hypnotiser par la multiplicité de ses propositions scéniques.
Kabaret Warszawski (cabaret varsovien)
Mise en scène de Krzysztof Warlikowski
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Au Théâtre national de Chaillot, Paris
Du 7 au 14 février 2014
Création 2013
Hallucinations visuelles et auditives garanties

Kabaret Warszawski
Le regard rivé sur les enchaînements de tirades, chorégraphies et chants, à la dimension politique incontestable, le spectateur est comme pris à parti par la logorrhée des pamphlets déclamés sans discontinuité.
Juxtaposant les époques, avec une première partie mettant en scène Sally Bowles, jeune chanteuse de cabaret, égoïste sensible mais prête à tout sacrifier pour faire carrière, en pleine montée du nazisme dans le Berlin des années 1930, et une dizaine de personnages évoluant dans le New York contemporain post-11 septembre, tous plus ou moins hantés par leurs revendications sentimentales et sexuelles, telle Sofia, thérapeute de couple et sexologue, qui avoue n’avoir jamais eu d’orgasme, ou le mystérieux couple androgyne décomplexé, fantôme du duo militant mythique John Lennon – Yoko Ono, réincarné dans un binôme Patti Smith – Iggy Pop saisissant de ressemblance.
Sources d’inspiration

Le couple Patti Smith – Iggy Pop
Elles sont nombreuses à avoir nourri la pièce. Entre les références à Wagner et l’album complet Kid A de Radiohead, des accents de la célèbre comédie musicale Cabaret jusqu’au scénario du film Shortbus, en passant par les matériaux littéraires, comme Les Bienveillantes de Jonathan Littell et l’autobiographie du transsexuel Justin Vivan Bond, impossible de passer à côté de ce nouvel opus, qui traverse les genres et les époques. La majorité des auteurs auxquels emprunte Warlikowski se situent, tout comme lui, entre deux mondes : ils ont connu des changements radicaux de société.
Un monde utopique

Sally Bowles
La scénographie de Malgorzata Szczesniak est, comme toujours, à la fois simple et somptueuse : murs de carreaux blancs, cliniques et froids, et incroyable rideau de rubans d’or, qui créent tour à tour des ambiances festives et glaciales.
Sans oublier le jeu des comédiens, à l’énergie infatigable, la remarquable justesse, délivrant des moments d’émotion pure.
Kabaret Warszawski constitue une tentative utopique de créer un asile pour un groupe de personnes « marginales », « différentes » et, selon lui, dont fait aussi partie le public de son théâtre, ce public « hors système ». L’ambition de confronter les époques est louable : le spectacle fonctionne non seulement comme un rappel face à la montée du néo-nazisme et autres attitudes nationalistes en Europe, mais crée aussi un véritable espace de libre expression dans une société étiquetée de « démocratie », qui couve cependant des courants d’homophobie toujours plus violents.