À mon seul désir
Coup de cœur du « In » d’Avignon : l’adaptation par Gaëlle Bourges de la célèbre tenture médiévale La Dame à la licorne. Un récit en voix off décrit scrupuleusement les codes esthétiques de l’époque non sans humour, quatre interprètes nues et masquées prennent la pose des personnages et animaux avec naturel et réalisme. Le tableau se déploie pour le plus grand plaisir de nos yeux et oreilles, expliquant l’ambivalence caractéristique de l’époque avec intelligence et malice, donnant à la nudité sur le plateau tout son sens, rafraîchissant notre savoir du Moyen Âge et notre manière de voir. À découvrir absolument.
Chorégraphie et récit de Gaëlle Bourges
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Au Gymnase du lycée Saint-Joseph, Avignon
Du 14 au 21 juillet 2015
Avec Carla Bottiglieri, Gaëlle Bourges, Agnès Butet, Alice Roland et la participation de figurants.

À mon seul désir © Christophe Raynaud de Lage
Sous les masques, figurant les animaux représentés dans La Dame à la licorne, quatre danseuses retissent sur scène les six panneaux de la tapisserie. Retissent et détissent, puisque Gaëlle Bourges ne se contente pas de convoquer la face connue de cette oeuvre du Moyen Âge. Donnant à son spectacle le titre du sixième tableau, elle condense l’ambivalence caractéristique de l’époque et dévoile les multiples interprétations qui s’y entrelacent. Par exemple la licorne, être chaste qui ne se laisse approcher que par des êtres purs, toujours postée aux côtés de la jeune dame dans la tapisserie, devrait certifier sa virginité. Pourtant, sa corne est elle-même sujet à controverse ; sans compter, non loin, la présence d’un chien, d’un lion, d’un renard, d’un singe et surtout de trente-cinq lapins, qui répandent, sur fond rouge garance, des valeurs moins pieuses qu’elles n’y paraissent. Sur l’autre face, la vierge qui tend la main vers le coffre à bijoux pourrait être autre que vierge, surtout quand le sixième panneau de la tapisserie s’ouvre sur un large horizon de lapins, justement. Par la précision du geste et la puissance du nombre, À mon seul désir ravive images anciennes et histoire de la pensée.

Les quatre interprètes d’À mon seul désir © Danielle Voirin
Tissée aux alentours de 1500, La Dame à la licorne est une tenture dont l’auteur reste inconnu et qui fut redécouverte par Prosper Mérimée en 1841. Elle est depuis exposée au musée de Cluny à Paris. Dans les six tapisseries qui la composent, les emblèmes de la famille commanditaire, les Le Viste, sont déclinés dans une représentation des cinq sens – le toucher, le goût, l’odorat, l’ouïe, la vue – auxquels s’ajoute un mystérieux sixième. Renoncement aux plaisirs matériels ou invitation à l’amour, le dernier panneau, qui porte l’inscription « A. Mon seul désir I. », pose toujours question.