« AD NAUSEAM » de Tania Mouraud
Depuis son entrée en art, Tania Mouraud produit des œuvres qui ont cette qualité d’être chargées de toutes les images du monde. Sa dernière installation vidéo montre le spectacle de la destruction massive – à en avoir la nausée – et industrielle de livres : romans, biographies, livres pour enfants ou revues d’art, tout y passe.
AD NAUSEAM
Installation de Tania Mouraud
–
Au MAC/VAL
Du 20 septembre 2014 au 25 janvier 2015
Le mouvement incessant des machines, la destruction sempiternelle, la condamnation par l’homme de ces objets à l’origine réalisés par lui-même, la représentation du cercle infernal et vide de sens de la production jusqu’à la suppression, donnent la nausée.
Derrière ces premières images, d’autres surgissent mentalement en surimpression, puisées dans la mémoire collective : celles de l’autodafé comme forme de destruction de la pensée critique. La posture de Tania Mouraud s’apparente moins à l’activisme qu’au témoignage. Elle fait le constat pour nous, regardeur, d’un état du monde sinistré et dévasté. La violence indifférente des engins se fait métaphore de l’aveuglement totalitaire, de la destruction de l’homme par l’homme.

AD NAUSEAM de Tania Mouraud
« Voilà ce que j’ai vu », nous dit-elle. Mais qu’est-ce que voir ? Que voit-on ? Y a-t-il à voir au delà de ce qui est visible, là sous nos yeux ? Voir, c’est tenter de résoudre une énigme, tenter de découvrir une autre réalité que celle que nous percevons. Voir, faire image, c’est faire émerger de la signification, donner un sens. Nous sommes devant toute image, à la recherche de l’image qui manque.
Face à l’image monumentale, le regard du spectateur, sidéré, se disperse dans l’espace, rendant toute focalisation impossible. Tania Mouraud crée alors un environnement où le son plus englobant prend le relais de l’image. En collaboration avec l’Ircam et Thomas Goepfer, réalisateur en informatique musicale, elle plonge le visiteur dans une masse sonore faite de field recordings (« enregistrements de terrain »), évitant les sonorités électroniques et les samples trop figuratifs afin de garder une masse sonore a priori homogène.
L’exposition AD NAUSEAM prend le parti de donner voix à deux directions tenues par Tania Mouraud dans toute son œuvre. Apparemment contradictoires et antagonistes, elles sont néanmoins complémentaires. L’exposition joue de polarités comme intérieur et extérieur, high and low, physicalité et abstraction… Les œuvres de Tania Mouraud nous invitent ralentir, à nous défaire de la rapidité et à pratiquer un art de la méditation.
D’un côté, l’espace muséal est investi par une monumentale installation audiovisuelle ; de l’autre, se déploient des écritures (bâches sur les façades du musée, tickets d’entrée, affiches dans la ville) qui contaminent l’espace urbain alentour : « MEMEPASPEUR » ou « HAVEADREAM ». D’un côté, des images-mouvement et des sons ; de l’autre, des images-texte, des phrases. D’un côté la destruction programmée et la mécanique du vivant ; de l’autre, l’affirmation d’une résistance, d’un rêve collectif.
Photo © DR